Cette étude est tirée du premier volet d’une expertise réalisée par l’auteur, au nom du Gret, pour le compte du Ministère de l’Agriculture de Côte d’Ivoire et financée par l’Union Européenne : Etude sur la location et la vente de terres rurales en Côte d’Ivoire. Cette expertise avait pour but de proposer au Ministère un dispositif de formalisation écrite des contrats fonciers en milieu rural, articulée aux pratiques foncières des agriculteurs et ancrée dans un cadre légal et réglementaire. Un tel dispositif devrait à la fois contribuer à la mise en œuvre de la loi foncière de 1998 et réduire les conflits sur les transactions foncières. L’introduction (Chapitre 1) rappelle, dans une première section, que la question des marchés fonciers et de la sécurisation des transactions est devenue centrale dans la réflexion sur le développement. Une seconde section présente la loi de 1998 sur le domaine foncier rural. Une troisième section présente la méthodologie retenue pour l’étude. La suite du texte est organisée autour de la présentation des arrangements institutionnels identifiés, avec, pour chacun, un descriptif des pratiques telles qu’elles ressortent de l’analyse de la littérature et des enquêtes, un descriptif des tensions et conflits qui les accompagnent et une présentation du besoin de sécurisation tel qu’il a pu être exprimé par les acteurs lors des enquêtes. Le chapitre 2 présente les achats-ventes de terre : conditions d’émergence, importance et la chronologie des transactions, identification des acteurs des transactions foncières et brève analyse du niveau et de l’évolution des prix. La suite du chapitre est organisée autour d’une discussion sur la nature des « ventes » de terre, en soulignant l’enchâssement social fréquent des transactions et la confusion régnant quant à lobjet de la transaction (la terre ou le droit d’exploiter). Le chapitre 3 est consacré aux contrats de Planté-Partagé, en plein essor. A travers de un contrat, un exploitant crée une plantation pérenne pour le compte du propriétaire foncier et en retour en conserve une partie ou dispose d’un droit sur la production pour la durée de vie de la plantation. Le chapitre 4 traite des locations de court terme, en fort développement dans le monde rural ivoirien pour la pratique de cultures non pérennes. La délégation de droits d’usage à durée indéterminée, intégrant une composante monétaire mais ne relevant pas de la location ou de la vente, même incomplète fait l’objet du chapitre 5. On observe, en région de savane, une ébauche de monétarisation de l’accès à la terre où de plus en plus, l’accès à la terre pour les non-autochtones passe non plus seulement par des dons symboliques en nature au chef de terre, mais par le versement d’une somme d’argent. Le chapitre 6 traite de façon prospective de la location dans le cadre de contrats de long terme, dont la mise en œuvre est prévue par la loi de 1998 pour sécuriser les droits d’exploitation des usagers actuels qui n’auront pas accès au certificat foncier ou des titulaires de certificats fonciers qui ne pourront pas accéder au titre de propriété. Ce texte s’achève par une discussion des conditions de sécurisation de ces arrangements institutionnels et de la pertinence de dispositifs de formalisation des contrats (Chapitre 7). Quels que soient les arrangements institutionnels, ils mettent en rapport, de façon générale, des cédants autochtones et des preneurs allochtones ou allogènes; cette dualité structure fondamentalement la question des tensions et conflits induits par certaines transactions foncières. Les transactions foncières suscitent des conflits, rares sur les locations, fréquents sur les ventes et susceptibles d’en susciter à l’avenir sur les contrats de Planté-Partagé et les baux à long terme. Chaque type de transaction pose des problèmes spécifiques mais on trouve, à la raçine des conflits ou des perceptions de risques de conflits, des incertitudes sur les droits de propriété et une incomplétude forte des contrats, dans un contexte de perception de la raréfaction foncière et d’évolution sociale et politique qui fragilise fortement les non-autochtones. Relativement à la formalisation des contrats et l’explicitation des clauses, l’étude suggère la mise à disposition de modèles de contrats (amendables par les acteurs) visant en particulier à expliciter les clauses des transactions. La validation des contrats devrait être la plus simple et la moins coûteuse possible, si la mise en place de contrats formalisés vise d’abord à rétablir la paix sociale dans les campagnes ivoiriennes. Le caractère très sensible des situations foncières locales suggère une validation de ces contrats non pas par une instance « communautaire » locale, mais par les sous-préfets, dont l’autorité et la légitimité sont largement reconnues par les populations locales.